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RIMBAUD 217

d'espace : " Le haut quartier a des parties inexplicables : un bras de mer sans bateaux roule sa nappe de grésil bleu entre des quais chargés de candélabres géants \ " " Peut- être des gouffres d'azur, des puits de feu ? ^ " Ces abîmes d'en-haut, ce sont les manifestations du vide dont souffre le spectacle, dont il est secrètement atteint, — et qui finira par le dévorer ; car cet étrange mal ne reste pas inactif: il travaille au contraire à désorganiser toute la région où il s'est pris : "Un soufHe ouvre des brèches opéradiques dans les cloisons, — brouille le pivotement des toits rongés, — disperse les limites des foyers, — éclipse les croisées^. " Et les objets qui tout à l'heure nous semblaient si bien tenir ensemble, se détachent, se désagrègent : " La muraille en face du veilleur est une succession psychologique de coupes, de frises, de bandes atmosphériques et d'accidents géologiques * . " Si vous pouvions attendre jusqu'au bout, de tout ce monde familier qui nous entoure, il ne resterait plus rien: " Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie ^. "

Dispersion, désagrégation, chaos mystérieux. Pourtant les morceaux de ce quelque chose qui nous est montré brisé, nous les reconnaissons : " C'est, certes, la même campagne. La même maison rustique de mes parents : la

1 Les Illuminations: Filles II, p. 212. Comparez: "L'eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. " {Les Illuminations .• poème sans titre, p. 228).

' Les Illuminations : Enfance, p. 203.

  • Les Illuminations : Nocturne njulgaire, p. 191.
  • Les Illuminations : Veillées, p. 194.
  • Les Illuminations : poème sans titre, p. 228.

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