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MADEMOISELLE IRNOIS 249

les Aventures de "Nicolas Belavoir, celles de Jean de la Tour Miracle, VJbbaye de Typhaine, — autant d'œuvres où une observation singulièrement perspicace se mêle à une fantaisie toute de verve et de premier jet. Ce sont là plus que des gammes et des exercices de style. A parcourir ces ouvrages de jeunesse nous avons conscience de pénétrer une des personna- lités les plus originales du XIX^ siècle, et de peser au moins deux chefs-d'œuvre.

Et voilà l'admirable : Gobineau ne s'est pas cherché. Dès ses débuts, il se trouve et se réalise selon sa loi. Son mode d'expres- sion seul se transforme avec l'âge ; car dans Ternove et dans V Abbaye de Typhaine, par exemple, nous découvrons en substance les idées de V Essai et tout le système ethnologique de notre sociologue. Le fond persiste si la forme change. Au plan litté- raire se superpose le plan scientifique, et pour un temps, l'artiste cède la parole au savant. A partir de 1876, Gobineau revient à sa forme préférée, celle du conte et du roman. Dans les Nouvelles Asiatiques, les Souvenirs de voyage, les Plé'tades, la Renaissance et Amadis il condense sa longue expérience d'obser- vateur en perpétuel éveil et de psychologue désabusé.

Ainsi donc, à suivre de près notre auteur, à l'écouter vivre et à le comparer avec lui-même, on s'aperçoit que le savant a fait la plus grande place à la forme imaginative et a toujours préféré, pour se réaliser, la nouvelle et le roman à l'œuvre didactique.C'est de quoi on commence à se convaincre, grâce à nos efforts persévérants. Beaucoup découvrent un écrivain délicat, un conteur exquis, un psychologue raffiné où ils s'attendaient à ne trouver qu'un professeur, voire un savant doublé d'un diplomate. On se rend compte que Gobineau est plus près d'un Stendhal et surtout d'un Mérimée que d'un Fustel de Coulanges ou d'un Tocqueville. Le spectre d'un Gobineau penché, entre deux rapports d'ambassadeur, sur de gros livres d'érudition, consumant sa vie à déchiffrer des hiéroglyphes comme un enfant des rébus, balayant la poussière des biblio-

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