Page:NRF 12.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Au fond du cœur, le comte Cabarot était impatienté outre mesure.

« Quoi ! pensait-il, ce n’est pas assez d’avoir une femme bâtie comme celle que voilà, il faut qu’outre toutes ses difformités je lui découvre encore une affection pour quelque fat ! J’aurai bien à faire avec cette petite personne si je veux lui redresser l’entendement ! Mais patience ! j’en viendrai à bout. »

Le salon de Mme Irnois était cependant une vraie tour de Babel ; on ne savait plus qu’y devenir. Après quelques sanglots, après s’être tordu les mains, Emmelina, le visage noyé de larmes abondantes, était devenue pâle, pâle comme la mort, ses yeux s’étaient subitement ternis, elle était tombée à la renverse dans le fauteuil et s’était évanouie.

— Voilà ma fille qui se meurt ! s’écria Mme Irnois.

— Mille tonnerres ! hurla le fournisseur.

Les deux tantes imitèrent les parents en accourant avec précipitation autour de la malade.

Cabarot ne fut pas moins leste. Cette scène douloureuse rentrait pour lui dans les choses prévues. Il ne s’était pas attendu à en être quitte à moins, car il avait trop d’esprit pour supposer que l’affaire de son mariage, déterminée si brusquement par une volonté d’en-haut, se pourrait conclure sans quelque récri du côté de l’indépendance violentée.

Il offrit gracieusement son flacon pour faire revenir à elle son adorable Emmelina, comme il lui plut de s’exprimer ; mais le flacon n’y faisait rien : Emmelina restait sans connaissance.

— Mon Dieu ! dit Mme Irnois en levant les épaules et en regardant Cabarot en face, tout ce monde qui est là autour d’elle lui fait plus de mal que de bien.