Aller au contenu

Page:NRF 12.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

76 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

part de contentement indispensable à sa vie. Aussi notre départ d'un immeuble que nous avions longtemps habité (et " oi!i on était si bien estimé de partout "), l'installation dans une nouvelle maison où les premiers jours, le con- cierge ne nous connaissant pas, Françoise avait cessé momentanément de recevoir les marques de considération nécessaires à sa bonne nutrition morale, l'avaient jetée dans un état de dépérissement pendant la durée duquel elle faisait continuellement entendre des lamentations. " C'est l'ennui ! " disait-elle quand on l'interrogeait sur son mal, et elle donnait au mot ennui ce sens si fort qu'il garde dans les tragédies de Corneille et dans les lettres des soldats qui se suicident par regret de leur fiancée, de leur village, par " ennui ". Mais elle se releva rapidement du sien, car Jupien (" De bien bon monde ces Jupien, de bien braves gens et ils le portent bien sur la figure ") lui procura un plaisir, aussi vif et plus raffiné que celui qu'elle aurait eu si nous avions pris une voiture, en sachant tout de suite comprendre et enseigner dans toute la maison que si nous n'en avions pas, d'équipage, c'est que nous ne voulions pas.

Et quand un fournisseur ou un domestique venait nous apporter quelque paquet, tout en ayant l'air de ne pas s'occuper de lui, et en lui désignant seulement d'un air détaché une chaise, pendant qu'elle continuait son ouvrage, Françoise mettait si habilement à profit les quelques instants qu'il passait dans la cuisine, à attendre la réponse de maman, qu'il était bien rare qu'il repartît sans avoir indestructiblement gravée en lui la certitude que

    • si nous n'en avions pas, c'est que nous ne voulions pas ".

Si elle tenait tant d'ailleurs a ce qu'on nous sût riches, ce

�� �