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A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 77

n'est pas que la richesse sans plus, la richesse sans la vertu, fût aux yeux de Françoise le bien suprême. Mais la vertu sans la richesse n'était pas non plus son idéal. La richesse, selon Françoise, était pour la vertu comme une condition nécessaire, à défaut de laquelle la vertu serait sans mérite et sans charme. Françoise les séparait si peu qu'elle avait fini par prêter à chacune les qualités de l'autre, à exiger quelque confortable dans la vertu, à reconnaître quelque chose d'édifiant à la richesse.

Une fois la fenêtre refermée elle commençait en soupi- rant à ranger la table de la cuisine.

— Il y a des Guermantcs qui restent rue de la Chaise disait le valet de chambre, j'avais un ami qui y avait travaillé ; il était second cocher chez eux. Et je connais quelqu'un, pas mon copain alors, mais son beau-frère, qui avait fait son temps au régiment avec un piqueur du Baron de Guermantes.

— La duchesse doit être alliancée avec tout ça, c'est de la même parenthèse, disait Françoise. C'est une grande famille que les Guermantes ! ajoutait-elle avec respect, fondant la grandeur de cette famille à la fois sur le nom- bre de ses membres et l'éclat de son illustration, comme Pascal, la vérité de la Religion sur la Raison et sur l'autorité des Ecritures. Car n'ayant que ce seul mot de " grand " pour les deux choses, il lui semblait qu'elles n'en formaient qu'une seule, et son vocabulaire avait ainsi par endroits un défaut qui projetait de l'obscurité jusque dans la pensée, — Je voulais demander à leur maître d'hôtel si c'est eux qui ont leur château à dix lieues de Combray, mais c'est un vrai seigneur, un grand pédant, qui ne cause pas, on dirait qu'on lui a coupé la

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