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Page:NRF 13.djvu/1005

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AURORE OU LA SAUVAGE 997

Il lui prend les deux poignets, les lui caresse, l'entraîne sous la lanterne à glands noirs, lui découvre les épaules avec ce toupet qui n'est qu'à lui.

— Comme vous êtes belle !

Dans le salon en rotonde le souper est servi pour huit personnes. Grunfeld, agent officieux des bolchevicks, la duchesse d'Inverness, un Hollandais nommé Bismark, Gina et quelques acteurs.

Montjoye prend Aurore par le bras, rit de son embarras, lui verse à boire, la fait asseoir près de la duchesse. Je déteste Montjoye. C'est à lui que je remonte quand j'essaie de me rappeler depuis quand j'ai les gens de goût en horreur. Je ne saurais dire l'irritante minutie de son intérieur. Des pincettes aux boutons des portes, des can- délabres à bougies vertes à la devise gravée des verres, tout est parfait. Dans un angle de la pièce, pour pouvoir danser, on a poussé la table de travail sur laquelle s'en- tassent les dossiers : Crédits aux Alliés, Avances à la Banque de France, Dépenses extraordinaires. Tout le travail du ministre est là, en désordre, au milieu des tubéreuses et des photographies. Mais avec son génie des chiffres, son labeur instantané, Montjoye saura tout mettre debout en une nuit, pour son chef, la veille d'une interpellation ou d'une conférence.

— On n'arrive pas à vous griser. Aurore. Cependant, promettez-moi de boire ceci que je prépare à votre inten- tion.

Il manipule fébrilement une bouteille à quatre com- partiments de liqueurs et s'approche de la cheminée qui éclaire son étrange figure, sa grosse tête, ses cheveux gris.

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