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AURORE OU LA SAUVAGE 999

à terre. Montjoye s'agenouille près d'Aurore, lui essuie le front avec son mouchoir. Il se penche sur elle pour la respirer, ferme les yeux. Je vois la veine médiane de son front saillir, son cou se gonfler au-dessus du col. Sa tête s'approche de plus en plus, puis recule, puis, sans plus aucun contrôle de soi, Montjoye met ses lèvres sur Aurore. Aurore tressaille, ouvre les yeux, se redresse et, avec la foudroyante vitesse d'un pugiliste, envoie Montjoye rouler jusqu'aux chenets d'un coup de poing à la mâchoire. Montjoye pousse des cris déchirants. Une bouteille de crème de menthe répand ses émeraudes sur le parquet.

— Aurore a fait un pogrom, dit Fred très calme, au piano J'essaie d'intervenir :

— Vous, laissez-moi, dit Aurore. Je vous hais.

Et, avant qu'aucun de nous ait pu faire un geste, elle saute par la fenêtre dans le jardinet du rez-de-chaussée et disparaît.

��Quand j'entre dans l'ateher, Aurore est assise sur son lit, le menton dans ses mains, les coudes sur les genoux joints. Elle ne tourne pas la tête vers moi, j'avance droit vers elle, dans la direction de ses yeux, mais son regard me transperce et reste fixé au mur.

Je mets ma main sur ses épaules : elle tressaille.

— Laissez-moi. Laissez-moi. Je ne veux plus vous voir. Partez.

Je m'asseois.

— Partez. Je me lève.

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