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Page:NRF 13.djvu/1011

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DE LA NÉCESSITÉ DES THÉORIES IO03

au lieu d'œuvrer ; qu'ils opposent la barrière de la sèche' raison à leurs dons naturels, etc. «L'antienne, fort connue, est déjà commencée. Sous le couvert du bon sens, la majorité du public continuera à prodiguer aux artistes de véritables exhortations à la bêtise. La vache qui ru- mine son nirvana nous sera une fois de plus proposée comme modèle. Seul, l'artiste capable de « brouter » un paysage, le col tendu vers la terre, muni de moyens « per- sonnels », aiura l'approbation des amateurs pondérés. On admirera l'assurance avec laquelle il piétine la toile, y transportant, presque sans s'en douter, la boue fraîche, le vert gras des prairies, le suc même des fleurs. On saluera en lui le vrai peintre-touriste, créant enfin des paysages en lesquels il fait bon se promener... avec les pieds, natu- rellement. Car ces excursions de l'esprit, ces promenades à la fois de la sensibihté et de l'intelligence que nous pou- vons faire dans les tableaux du Poussin ou de Claude, ou de Cézanne, ce sont là jeux aussi dangereux qu'inutiles, n'est-ce pas ? Tout peintre qui, de nos jours, se propose le même but que ces maîtres et qui, pour ce faire, aiguise sa raison en même temps que sa sensibihté, ne peut, paraît- il, que se condamner à la stérilité.

Jamais la soUicitude du pubhc n'entoura et ne défen- dit mieux qu'aujourd'hui le pur instinct des artistes. Parmi les lettres ou les articles que mes notes ont suscités, j'ai pu faire une ample moisson de « cris d'alarme ». Ici, on trouve que « ce goût pour le dogmatisme esthé- tique est le plus grand danger que puissent courir de jeunes artistes ». Là on craint que l'artisan (que j'invite à sur- veiller son pinceau plutôt qu'à s'enivrer indéfiniment des défaillances de son cœur),« ne passe des heures devant

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