Page:NRF 13.djvu/1013

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE LA NÉCESSITÉ DES THÉORIES IOO5

trouvaille plastique ne peut que revêtir « un ton dogma- tique ». Il faudrait cependant s'entendre. Ou on veut pa- raître badin, et point n'est besoin de parler peinture, ou on parle peinture et alors une certaine gravité semble nécessaire, gravité que légitime ou que condamne la portée des axiomes émis.

Il est évident que lorsqu'un peintre moderne — un des plus importants — prononce solennellement devant un « arlequin » qu'il vient de peindre : « Il n'y a pas de pieds dans la nature », un certain sourire s'impose au coin de ses lèvres — et que seul le disciple qui, selon l'anecdote connue, répond sérieusement : « Ah! oui, c'est vrai », assume tout le ridicule.

Nous ne citerions pas cet exemple si le maître es para- doxes qu'est Picasso ne nous avait pas tout récemment été proposé en exemple comme réalisant le type de l'anti- théoricien, et si son extraordinaire fécondité n'était pas attribuée par certains à son dédain des « explications ». Intelligent et sachant par expérience qu'on n'est jamais goûté pour ses qualités mais bien pour ses défauts, Picasso a renoncé à se faire comprendre, ce qui ne veut pas dire qu'il ait renoncé par la même occasion à se comprendre, donc à raisonner sur lui-même. Des théories, il en a ; il en profère souvent de très sérieuses, et les poètes qu'il forma, ou qu'il transforma, les écrivent pour lui. D'ail- leurs nombre de ses toiles sont l'expression de théories sans cesse renouvelées — à ce point que maint peintre s'est trouvé une personnalité en spéculant sur un seul de ses tableaux didactiques.

La plus grave accusation que nous voulons relever est celle qui vise l'a priorisme des théories, et, partant, leur

�� �