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Page:NRF 13.djvu/1083

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REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE IO75

l'hiver scintillèrent quelques semaines au-dessus de feuillages déjà épanouis. Pas de hannetons. Une lune rousse, bourdon- nante, dépaysée, à laquelle les plus tendres pousses résistaient avec l'entêtement de lauriers centenaires. Plus d'ornières, de crevasses, de guérets défoncés. Partout un gazon, un blé, un orge dru et ras ; un enfant au galop pouvait traverser la France sans tomber. Des pluies soudaines rapportaient aux rivières les pluies dérobées à l'autre année. Les canaux étaient combles et débordaient chaque matin. Les sourciers, à toute minute égarés, retenant des deux mains leur baguette, arrivaient à des étangs, inconnus, à des lacs. Le réservoir des jets d'eau, des fontaines, avait été remonté sur les plus hautes montagnes, était une neige au soleil. Déjà résonnaient à l'aube les détonations lointaines des champs de tir : la guerre était ouverte. Déjà le poète était étendu sur le dos au milieu de la prairie, cherchant au-dessus de lui, comme un mineur dans son couloir, son ouvrage de la journée. Déjà les merles surveillaient les fleurs de cerisier, les moineaux les feuilles de radis... Les lycéennes écartaient leurs fourrures, montraient leurs visages nouveaux, et les collégiens les regardaient sans peur, désireux de les épouser. Les jardiniers ouvraient leurs serres, les gardiens leurs musées, on allait rapporter chaque palmier, chaque tableau dans son bosquet habituel... Seuls, dépassant les taillis de cent coudées, restaient fidèles à l'hiver les grands arbres, les ormes, les platanes, les chênes. On ne leur en voulait pas ; on savait que dans six mois, géants lents à comprendre, ils resteraient fidèles à l'automne. »

Que M. Giraudoux sorte de la petite aventure sentimen- tale, du morceau où piétinent d'excellents écrivains d'au- jourd'hui ! Ou plutôt qu'il la conserve toute, mais qu'il la laisse s'élargir par une croissance indéfinie et vivante, comme une ville bien placée dans un heureux carrefour et sous une destinée bienveillante ! Qu'il suive le rythme de cette formQ

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