Page:NRF 13.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRES OUVERTES 123

qu'imparfaitement, certains de ces traits que vous marquez dans votre livre comme particuliers à la race allemande et dont il suffirait sans doute de dire qu'ils sont particu- lièrement étrangers aux races latines et à la française. Voici ce que m'écrit à ce sujet un Anglais de grande culture qui vient de lire votre livre :

« Cette incapacité d'objectivité que signale Jacques Rivière, ne me paraît point particulièrement propre à la race allemande ; sous une forme ou sous une autre nous retrouvons ce défaut, ce malaise dans toutes les nations du Nord. J'ose affirmer que l'on peut le retrouver égale- ment, bien que sous une tout autre forme, en Amérique et s'il ne vous apparaît pas d'abord en Angleterre, c'est peut-être seulement grâce à cette infime minorité de gens qui mènent la civilisation anglaise, mais qui demeurent en violente réaction contre les sentiments et l'attitude de la masse de leurs contemporains ».

Il m'arriva dans la seconde année de cette guerre de lire à une Danoise francophile de mes amies, une page de mon journal, qui, je crois, vous intéressera.

La voici :

Rainer Maria Rilke est venu, hier matin (26 janvier 1914) me soumettre quelques passages de sa traduction de mon Enfant Prodigue qui ne le laissaient pas satisfait.

J'ai eu plaisir à revoir sa délicate figure. Je sais lire à présent, à travers l'insignifiance des traits, la pureté et la sensibilité de son âme. Heureux de trouver dans ma bibliothèque le grand dictionnaire de Grimm, il l'ouvrit à l'article Hand et se plongea dans une patiente recherche oii je V abandonnai quelque temps. S'amusant à traduire quelques sonnets de Michel- Ange, il m'a raconté son em-

�� �