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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE I4I

notre vie et fait flamber nos passions et, dessous, on ne trouverait rien qu'une cendre à peine chaude, qui nourrit mal nos pauvres désirs, tout le reste s'évapore en fumée... » Hiéroglyphe bleu, motif musical sur lequel chacun peut dép-oyer le roman de ses destinées et des destinées du groupe auquel l'a associé la vie ! M. Jaloux a fait monter ses fumées dans le ciel mélancolique et noble de la campagne aixoise; il y a construit minutieusement, et avec une science achevée des plans, du relief et de la vie, les petites marionnettes hu- maines qui y font quelques tours et s'en vont. Comme d'ordi- naire, dans tout roman qui s'énonce à la première personne, le personnage le plus vivant n'est pas celui qui raconte, Raymond. Et pourtant... Plutôt, il nous paraît le personnage le moins construit, parce qu'il a pour fonction, dans la texture du roman, non de se construire, mais de construire les autres ; il n'y représente pas le vivant, mais la vie ; il n'est pas poussé volontairement en lumière, mais il fait corps avec l'organi- sation, la respiration même du récit, il nous figure exacte- ment le tas de bois qui s'échauffe et brûle de l'intérieur. La plus belle fumée du livre, c'est ce Provençal traité posément, discrètement, dans le mode mineur, avec une mesure et une minutie discrète auxquelles un connaisseur sourit de plaisir, Maurice de Cordouan. Les personnages de M. Jaloux témoignent d'une belle et pleine valeur humaine, mais ils paraissent garder aussi toute la valeur de documents exacts sur leur milieu local.

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J'ai voulu tirer de la production de ces dernières années trois romans (on n'en doublerait pas facilement le nombre) que l'on met à part pour les relire, et dont on découvrira mieux, à chaque lecture, la solidité. On ne saurait rien ima- giner, en apparence, de plus différent que la concentration

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