152 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
que M. Benda a raison de croire seule capable de nous fournir une haute littérature psychologique. Il faut, au moment où lès plus belles qualités françaises semblent se réveiller, que nous retrouvions le secret de la transcendance et le goût de l'analyse.
Mais justement je suis persuadé que ce renouveau est déjà commencé et je reproche vivement à M. Benda d'y fermer les yeux. C'est ici que sa misanthropie, après l'avoir servi, le perd. Il a trop de désir de nous surprendre en faute pour s'apercevoir du moment où nous n'y sommes plus. Il est visible qu'il ignore, ou qu'il comprend mal, le rôle que tous les jeunes artistes s'accordent aujourd'hui pour attri- buer à l'intelligence dans la composition de l'œuvre d'art. Et je ne dis pas d'ailleurs que l'emploi qu'ils lui réservent soit tout à fait approprié. (Il y aura bien des choses à dire là-dessus.) Mais enfin c'est un signe.
C'était un signe aussi, et que M. Benda n'aurait pas dû méconnaître, que l'application qu'a toujours montrée la Nouvelle Revue Française^ dès avant la guerre, à défendre et à faire valoir les vertus intellectuelles en art. Sans oser nous inculper formellement, par plusieurs passages empruntés à des collaborateurs importants de notre recueil, M. Benda semble insinuer que nous sommes tous ici de purs « émoti- vistes ». C'est un point que je ne lui accorderai jamais. Sans doute nous n'avons jamais eu une doctrine d'ensemble qui fût parfaitement cohérente. Nous avons même refusé d'en avoir une. Mais enfin si quelqu'un a travaillé à désembourber la littérature du Symbolisme, à la faire sortir du lyrisme pur et inarticulé, à rendre de la faveur aux genres qui exigent du raisonnement, de la composition et de l'artifice, c'est bien nous. On verra peu à peu l'importance de ce que nous avons réalisé dans ce sens. Quand l'art intellectualiste, aujourd'hui en bouton, se sera complètement épanoui, on s'apercevra que nous en avons été les précurseurs véritables
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