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l60 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

exquise en regard de la moyenne de la production allemande . C'est ainsi que j'ai entendu, en Suisse, un représentant attitré de ce groupe nombreux d'intellectuels de gauche pacifistes, prôner le livre de Barbusse comme l'un des plus beaux qui ait été jamais écrit et faire un cas énorme de son pendant austro-allemind Menschen im Krieg de Latzko, qui m'a paru comme une hideuse et honteuse caricature du Feu. Cependant si l'on concluait de là que la jeunesse allemande est allée à la guerre avec moins d'enthousiasme, moins d'exaltation et moins d'esprit de sacrifice que celle des autres pays, on risquerait de se tromper du tout au tout.

Depuis l'armistice, il n'y a plus aucun groupe qui fasse noyau, qui reflète une partie importante et coordonnée de l'opinion. La déroute est telle, partout, qu'il est presque im- possible de parler même de grands courants, et ceci est très difficile à comprendre pour des Français habitués à se sentir comme une « nation individu » ; l'absence de continuité de la conscience nationale, dans le temps et dans l'espace, fait de l'Allemagne un agglomérat plutôt qu'un organisme. « L'Allemand, disait Bismarck, qui le connaissait un peu, n'a pas de conscience nationale, il n'a qu'un sentiment dynastique». Cela a pu se modifier depuis 1870, mais cer- tainement beaucoup moins qu'on ne le croit. Or, un agglo- mérat est à la fois plus et moins dangereux qu'un individu ; en tout cas il est beaucoup plus difficile de prévoir et de définir ses réactions ?

Nous nous réservons d'entrer par la suite plus avant dans le détail de la production littéraire et théâtrale autant qu'ar- tistique pendant la guerre, là où elle nous en semblera valoir la peine, de signaler les courants d'idées qui nous paraissent les plus curieux ; plus d'un se perdra dans le sable: rien dans ce pays n'a encore, ou n'a plus forme assurée.

ALAIN DESPORTES

LE GÉRANT : GASTON GALLIMARD. FONTENAY-AUX-ROSES. IMP. L. BELLENAND.

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