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172 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'autre ils sont mutuellement complices de ceci : qu'ils savent l'incomparable dignité de la pensée, qu'envers et contre tout le reste du monde, envers et contre tous les barbares ils savent que rien n'est aussi grave et aussi sérieux que la pensée.

Ils ne seront donc pas émus de ce qu'il peut y avoir de comique et d'apparemment détaché dans leurs propos. Tous les deux classiques, (comment peut-on ne pas être classique), ils savent que rien n'est aussi grave et aussi sérieux que le comique, et que rien n'est aussi parallèle et aussi apparenté au tragique. D'autre part une longue expérience de la peine et de la fidélité leur a de longue date enseigné ce qu'il y a d'attachement douloureux et jaloux sous ces détachements de circonstance. Et que ce n'est pas une élégance et une politesse mais une secrète décence et la plus grande pureté.

Ils sont mutuellement respectueux encore en un double et en un triple sens. Respectueux de la pensée, en elle- même, comme étant incomparablement digne et d'un prix incomparable. Respectueux de la pensée comme d'une sorte d'œuvre et d'opération statuaire qu'il faut se garder comme d'un crime de déflorer. Respectueux de la pensée comme de la plus belle et de la plus chère et la plus secrète création. La saluant partout où elle est. Non pas seulement d'un salut d'escrime, mais d'un salut de culte et d'estimation singulière.

Étant respectueux de la pensée, ils sont natiu-ellement respectueux des personnes. Ils seraient volontiers kan- tiens sur ce point, bien qu'ils n'aiment pas Kant. Ou plutôt ils aimeraient bien Kant. Mais c'est lui qui ne se laisse pas aimer. Et puis Koenigsberg est bien loin.

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