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NUIT A CHATEAUROUX 233

ment et comme si ce nom était un prénom, voit sa montre arrêtée, frémit, hâtivement la remonte, à mesure reprenant courage ; on lui remet un petit dic- tionnaire de poche, on lui apprend trois, quatre mots allemands comme à ceux qui jadis allaient vraiment en Allemagne ; lui seul, toute la nuit, va se pencher doucement, doucement, sur la tranchée allemande, la tête la première, la bouche ouverte, comme pour boire à un gué... Mais Pierrefeu refuse de donner à la France le nom de celui auquel le général vient de remettre, avec mille recommandations, comme si c'était le flambeau de la guerre — attention, qu'il ne la casse pas, qu'il ne la casse surtout pas ! — la meilleure lampe électrique de la brigade...

  • *

Le lendemain, à cinq heures, je compris pourquoi le colonel directeur de l'infanterie, pendant tout le dîner prévenant, m'avait soudain demandé à voix basse si j'aimais Falconnet, m'approuvant à voix haute de l'aimer, puis à voix haute si j'aimais Natoire, me blâmant à voix basse de le haïr. Je compris pourquoi il les défen- dait et louait comme s'ils formaient un couple inséparable, déjouant les tentatives où j'essayais d'unir Falconnet à Fragonard, et Natoire à Houdon. Son planton vint demander si j'emporterais à Limoges, où était sa femme, deux objets détournés de Paris par crainte des obus, mais que le général Anthoine ne tolérerait certes plus dans son bureau, une petite Délie de Falconnet, la Découverte de Moïse enfant, par Natoire, et il parut lui-même bientôt, portant l'un de la main droite, l'autre de la gauche, et il

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