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NUIT A CHATEAUROUX 24I

son dernier cigare. Yourf détestait les allumettes. J'ai repris le train de deux heures pour Schliersee; nous sommes arrivés sur la montagne juste pour le lever du soleil, et Dieu sait, en le voyant paraître, ce qu'a pu aboyer Yourf. Je n'ai pas trop changé ; toi sûrement pas, je te vois trop bien encore. Parles-tu toujours en écar- tant des deux mains l'échancrure de ton gilet, comme notre sainte de la Theatinerkirche qui s'ouvre ainsi la poitrine et montre tout son cœur. On ne voyait d'ailleurs le tien qu'à moitié. A la grande poste justement, quand tu avançais à petits pas vers le guichet des lettres restantes, pris entre le groom des Quatre-Saisons et une vendeuse de Wertheim amie des seconds ténors, tu deve- nais soudain irascible, tu m'éloignais... Un vrai œdème!... Ou bien le dimanche, quand il pleuvait sur la Bavière et qu'assis à ta fenêtre nous passions la journée, avec une jumelle et im chronomètre, à chercher celui des tramways circulaires qui faisait le plus vite le tour de Munich, tu me dictais les numéros et les temps d'un langage si dur que j'avais envie de mettre des cédilles sous chaque chiffre. Je pensais que tu serais un grand ministre et je t'espionnais d'après la Vie de Gladstone enfant volée au père Kisshng. Mais jamais tu ne faisais les choses comme Gladstone. Tu ne préférais pas l'encre rouge et le papier oignon. Tu ne te fâchais pas avec ta fiancée au sujet des pois de senteur. Glasdtone aimait scier les bûches, abattre les arbres ; je te promenai dans les bois de Lockham, sans résultat. Gladstone aimait la liberté, tu étais un tyran, tu m'éloignais à ton gré de la Spatenbraù pour me trainer au Luitpold, sans voir que c'était m'éloigner de Fanny,

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