Page:NRF 13.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

240 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rience, dans la boîte de l'étranger. Elles nous revenaient toujours par la distribution du soir, glissées sous notre porte, à nos pieds, plus infaillibles qu'un boomerang, et sans que jamais le postier munichois ait eu soudain cet éclair qui rend exotique une ville à son habitant même ; avec je ne sais quoi pourtant de leur séjour de quelques heures parmi ces lettres en route pour Melbourne, pour l'Ouganda surtout et les colonies allemandes, pour Samoa. Tu as presque la même écriture ; un peu plus grosse cependant, et tu mets des ^ sur ton double n comme si tu revenais d'Espagne ou du moyen âge.

Mon infirmière va dans ce que tu appelais tes parages. Je lui donne ce mot. Comment es-tu ? As-tu changé ? Pourquoi m'as-tu laissé partir sans me dire adieu ?

Mon cher Jean,

Toi, tu n'as pas changé. Toujours tu me fais des reproches. Tu oublies que tu t'amusais à me donner de fausses orthographes et que par tes conseils j'ai écrit pen- dant dix ans le mot russe avec un c. Maintenant encore je me retiens difficilement de mettre une cédille sous l's. Ce que tu appelles un double z est un x russe. Pour l'affaire des adieux, apprends que je suis revenu la veille de ton départ, en cachette, de Garmisch, avec Yourf . Je suis resté une bonne heure sous ta fenêtre, je n'ai pas osé monter à cause du père KissUng. Moi j'aurais deviné que mon meil- leur ami était dans la rue, avec un chien lapon, dont il maintenait la gueule, par crainte des aboiements, chaque fois que de ton rez-de-chaussée, du café Stéfanie, un des peintres polonais sortait, craquant des allumettes pour

�� �