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Page:NRF 13.djvu/253

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NUIT A CHATEAUROUX 245

de les lire, des cœurs percés de flèches, des Tyroliens étrei- gnant des Tyroliennes, et elle m'échappa. Je la rattrapai.

— Bonjour, mademoiselle.

— Passez votre chemin, monsieur.

Elle allait trop vite pour qu'on la dépassât, et j'étais pressé. Je marchai donc malgré moi tout près d'elle :

— Comme vous êtes jolie, mademoiselle !

— Que vous l'ayez remarqué m'en dégoûte, monsieur. On voyait qu'elle avait pour maîtresse de français,

MUe Kolb, si énergique dans son vocabulaire et dont cha- que phrase contenait le mot « ignoble » ou le mot « dégoûtant ». J'étais déconcerté; devant la maison du vieux Possard je dis, car je ne trouvais plus d'inspiration que dans les objets extérieurs, et rien dans le mobilier de mon âme :

— Tiens, le vieux fou déjeune !

— De plus fous sont en liberté, monsieur.

Devant la fleuriste, devant la brasserie, je lui tendis ainsi le mot « fleur », le mot « saucisse blanche » sur les- quels elle se jetait comme un serpent qu'on agace d'un bâton. Ou bien, si ma phrase avait trois parties, elle répondait à chacune, et dans l'ordre.

— Qu'il fait beau, quel soleil agréable, mademoi- selle Mimi.

— Qu'il fasse beau excite mon dégoût, monsieur. Ce soleil me fait vomir. Que vous m'appeHez par mon nom me rend répugnante à moi-même.

— Au revoir, mademoiselle.

— A ne jamais vous revoir, la vie serait une infection !

Alors, je m'en repens, je la pris par le bras, je la forçai à

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