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Page:NRF 13.djvu/275

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NUIT A CHATEAUROUX 267

rassemblions des oiseaux empaillés, des nids, des œufs percés, comme si certaines races d'animaux prospéraient de l'amitié de deux nations, et que l'union franco-russe fût salutaire aux oiseaux. C'était avant Brest-Litovsk, j'ai vu au Caucase des corbeaux dodus, des hérons avec un rat arrêté dans leur cou, des aigles gras à lard. A mon dernier régiment, le colombophile aussi était Russe. Tu sais le devoir des colombophiles ; ils ont à maltraiter et à affamer les pigeons et les chiens de liaison, pour qu'ils retournent plus vite là où on gave et caresse. Un jour, ses deux chiens furent blessés. Il resta toute la nuit à les soigner, à les flatter. Les chiens relevaient la tête, remuaient la queue, pensaient désolés : Nous mourons le jour où les hommes deviennent bons... Lui aussi fut tué... Vivent les chiens allemands ! Vive la Russie ! Miss Daniels m'arrache ma lettre. Adieu !

C'était l'aube. Par le tulle de mes rideaux, un aigre jour était pris et pressé comme un caillé. Depuis une minute à peine il était né, et déjà dans la rue les hommes se hâtaient. Des cailloux roulaient, des jurons, l'homme grattait à nouveau sa pauvre planète, sa pauvre âme. Un clairon sonnait dans la caserne, une cloche dans la pension, soldats et jeunes filles également peureux d'une journée nouvelle, pour calmer leur âme des autres âmes soudain si différentes, pour devenir vite semblables à tous, passaient vite leurs uniformes. Puis on entendit les coups de bâton des laitiers sur la peau de leurs ânes. Un bruit de scarabée qui vole indiquait chaque bicyclette. Des hirondelles gazouillaient sans répit, sur le fil du télégraphe, et le courant du matin, avec ses mots de joie

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