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300 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

fréquent de la nuit qui la suit. Je n'en veux rien contester, mais je songe à la chaudière d'huile bouillante de Stendhal. Non point que je compare le mariage à cette chaudière, mais bien au contraire, parce que je vois là le signe que M. Mauclair refuse d'accepter une cristallisation étrangère à l'amour. Il y a pourtant une cristallisation sociale comme il il y a des cristallisations amoureuse, esthétique et religieuse. Montaigne, devant un grave président au Parlement, se donnait à part soi la comédie en l'imaginant dans l'entretien le plus tendre avec sa femme. Ce président était peut-être partie dans un couple idéal, héros de la cristallisation amoureuse. Et Montaigne ne le trouvait ridicule que parce qu'il lui était extérieur. Le mariage, point de départ de la cristallisation sociale, le mariage bourgeois fondé sur l'argent peut être ridicule ou odieux du point de vue de l'amour, du point de vue de l'art, du point de vue de la religion. Mais depuis des milliers d'années, il est incorporé à notre civili- sation : notre société, notre vie et même en partie notre bonheur ont cristallisé sur lui. Si l'amour était purement physique il ne nous occuperait que peu d'instants. M. Mau- clair a montré que la cristalUsation dans la durée consistait à relier ces instants pour les amalgamer à un tout vivant. C'est bien. Mais ces quelques instants ont aussi une valeur pour la société, puisqu'ils servent précisément à la perpétuer, et que la perpétuité sociale est embranchée sur cette discon- tinuité de l'acte sexuel. Il est donc naturel et nécessaire que la société ait construit, elle aussi, sa cristallisation. L'inter- férence de ces cristallisations donne à la vie son illogisme, son tragique, son nerf. Une société sans le mariage bour- geois ne se conçoit guère que sur le papier, dans une Salente arbitraire (j'en atteste le rêve même de M. Mauclair sur la procréation par l'aeugénie»). Mais la cristallisation amou- reuse et la cristallisation artistique seraient-elles si belles et iraient-elles si haut si elles n'avaient devant elles, parfois

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