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NOTE SUR M. DESCARTES

Corneille a choisi la meilleure part. Je ne parle pas seulement de son génie qui fut un don unique et lui-même une grâce unique dans l’histoire du monde. Je parle de la matière où il allait appliquer son génie.

Corneille a choisi la meilleure part. Il a pris tout un monde avant le premier éclatement de la grâce. Ou plutôt il s’est donné le monde (car c’est toujours le même. C’est toujours le même qui sert, la même matière, le temps (et même en ce sens la durée) n’ayant qu’une dimension, de sorte qu’il n’y a point une deuxième dimension par où, suivant laquelle l’action proprement historique pourrait s’échapper. De sorte qu’il est nécessaire que l’esprit travaille toujours la même matière, opère toujours le même monde).

Corneille s’est donné le printemps de la grâce. Et même cette première aube du printemps qui passe en espérance le printemps même et qui est comme une avancée de la vie éternelle. Comme une anticipation de la béatitude. Il nous a laissé non pas même les mélancolies de l’automne et les feuilles tombées, mais les ingratitudes du bois mort.

Il s’est donné ce premier éclatement dans le monde du bourgeon de la grâce. Il s’est donné le monde avant le premier éclatement de la grâce, et il n’avait plus qu’à nous représenter ces merveilleux éclatements. Il n’avait plus qu’à nous représenter ces cheminements inouïs. Mais nous notre bassesse et notre malheureux sort nous contraint à examiner les limitations c’est-à-dire les manquements de la grâce.

Corneille prenait le monde si je puis dire avant le commencement de la grâce. Il avait donc tout à gagner.