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Page:NRF 13.djvu/431

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JOURNAL SANS DATES 423

cela, voilà qui me devient intolérable. J'aime mieux faire agir que d'agir.

— Jamais quelqu'un d'autre que vous n'agira comme vous eussiez agi vous-même. Cela n'est pas la même chose. Monsieur Gide, je voudrais vous dire encore quelque chose. (Il hésite.) Je ne trouve pas les mots.

— Dites-le en allemand.

— En allemand je ne le dirais pas mieux. Depuis longtemps je cherche les paroles. Non, je suis trop ner- veux encore. Je ne peux pas. J'ai comme un poids horrible sur la tête, et mon corps ne me fait plus l'effet d'être à moi. Je vous ai écrit, sitôt hors de prison, une longue lettre. Non, vous ne l'avez pas reçue. Avant de vous l'envoyer je voulais... yous voir.

— ■ Est-ce moi qui suis cause, à présent, que vous ne pouvez pas me parler ?

— Non, aujourd'hui, c'est inutile ; je ne pourrai pas vous le dire.

La voiture rentre dans Paris.

— OÙ dois- je vous mener ?

— Puis- je vous demander un service d'ordre tout pra- tique ? Il semble extrêmement hésitant et je recommence à penser : C'est le moment de la tape. Mais non ; simplement, il reprend :

— Savez- vous où je puis trouver du henné ?

Nous passons rue Saint-Honoré. Je le mène chez le coiffeur PhiHppe. Et là, je lui dis adieu brusquement, éprouvant qu'il est particuHèrement difficile de prendre congé à 4 heures de quelqu'un qui vient de Cologne exprès pour vous voir, et dont le train ne part qu'à minuit. andré gide

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