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422 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ne me déplaise point chez les autres. Je ne voudrais pas être Byron ; mais j'aimerais de l'avoir connu... Je sens qu'il m'écoute un peu moins, et pour le ressaisir :

— C'est par là que m'a tant intéressé votre première plaquette (sur Oscar Wilde). Je crois très juste l'antago- nisme où vous placiez la vie et l'art...

Il m'interrompt.

— Eh bien ! moi je ne trouve pas cela juste du tout. Ou plutôt... si vous voulez... oui, il est dangereux pour l'artiste de chercher à vivre ; mais c'est précisément parce que, moi, je prétends vivre, que je dis que je ne suis pas un artiste. C'est le besoin d'argent qui maintenant me fait écrire. L'œuvre d'art n'est pour moi qu'un pis-aller. Je préfère la vie.

— Mais, dis- je, dans votre brochure vous affirmiez pré- cisément le contraire.

-^ Oui. Je mentais. Mais vous, vous mentiez donc en écrivant les Nourritures... Tenez (et il étend le bras dans un geste admirable) de seulement étendre mon bras, j'éprouve plus de joie qu'à écrire le plus beau livre du monde. L'action, c'est cela que je veux ; oui, l'action la plus intense... intense,... jusqu'au meurtre... >

Long silence.

— Non, dis-je enfin, désireux de bien prendre position, l'action ne m'intéresse point tant par la sensation qu'elle me donne que par ses suites, son retentissement. Voilà pourquoi si elle m'intéresse passionnément, je crois qu'elle m'intéresse davantage encore commise par un autre. J'ai peur, comprenez-moi, de m'y compromettre. Je veux dire de limiter par ce que je fais, ce que je pourrai faire. De penser que parce que j'ai fait ceci, je ne pourrai plus faire

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