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438 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rade des devises pour les écus des nobles dans les joutes de cour (c'est le sens du document de 1613 sur lequel M. Demblon a cru devoir aventurer son hypothèse) et surtout recevant pour la composition de ses pièces les indications de lord Derby qui a dû lui proposer ses sujets, lui tracer des canevas, comme Richelieu à ses cinq auteurs, aller même assez loin dans cette collaboration analogue peut-être parfois à celle de Beaumont et Fletcher et à plusieurs autres de l'époque. M. Lefranc donne en ce qui concerne Peines d'amour perdues des certitudes et en ce qui concerne Hamlet de fortes vrai- semblances. Dès lors, il semble qu'entre stanleyens modérés, comme M. Boulenger, et stratfordierîs modérés, comme on le deviendrait volontiers, certain accord, comme celui de Shakespeare et de Stanley eux-mêmes, soit très possible.

Rendons grâce aux érudits, quand nous voyons l'érudition de M. Lefranc nous apporter cette richesse, mais ne croyons pas qu'en telle matière l'érudition soit tout. Laissons nos variations sur Shakespeare aller hardiment de M. Lefranc à Foottit : il y a plus de choses dans le ciel et la terre shakes- peariens qu'il n'en tient dans une philosophie livresque. Soyons livresques, mais sans oublier jamais combien Shakes- peare l'est peu. Ainsi M. Lefranc et M. Boulenger et beau- coup d'autres considèrent avec étonnement l'insouciance de Shakespeare touchant la publication de ses pièces, l'indiffé- rence avec laquelle, si âpre à l'argent, il laisse fabriquer par qui veut des éditions criblées de fautes, mutilées ou pleines de grossières interpolations, et ils voient là une de ces portes mystérieuses qu'ouvre la clef Derby. Mais si ses publications sont indifférentes à Shakespeare, c'est d'abord qu'il n'en souffre pas dans ses intérêts, les droits d'auteur étant alors nuls, c'est ensuite et surtoiit que la pièce imprimée ne l'inté- resse pas. Joignez à cela l'absence probable de livres dans sa maison lorsqu'il fait son testament. Shakespeare est de théâtre jusqu'à la moelle des os, de livres pas du tout. Il est fort

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