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CONSIDÉRATIONS SUR LA MYTHOLOGIE GRECQUE 483

VOUS sacrifierez par amour pour moi, vous le retrouverez au centuple — et parce qu'au contraire celui qui veut ici sauver sa raison, la perdra...

La mystique païenne, à proprement parler, n'a pas de mystères, et ceux-là mêmes d'Eleusis n'étaient rien que l'enseignement chuchoté de quelques grandes lois natu- relles. Mais l'erreur c'est de ne consentir à reconnaître dans le mythe que l'expression imagée des lois physiques, et de ne voir dans tout le reste que le jeu de la Fatalité. Avec ce mot affreux l'on fait au hasard la part trop belle ; il sévit partout où l'on renonce à exphquer. Or je dis que plus on réduit dans la fable la part du Fatum, et plus l'enseignement est grand. Au défaut de la loi physique la vérité psychologique se fait jour, qui me requiert bien davantage. Que nous enseigne le Fatum, chaque fois que nous le laissons reparaître ? A nous soumettre à ce dont nous ne pouvons point décider... Mais précisément ces grandes âmes des héros légendaires étaient des âmes insoumises, et c'est les méconnaître que de laisser le hasard les mener. Sans doute ils connaissaient cet « amor fati » qu'admirait Nietzsche, mais la fatalité dont il s'agit ici, c'est une fatahté intérieure. C'est en eux qu'était cette fatahté ; ils la portaient en eux ; c'était une fatalité psychologique.

Et l'on n'a rien compris au caractère de Thésée, par exemple, si l'on admet que l'audacieux héros

Qui va du dieu des morts déshonorer la couche,

a laissé par simple inadvertance la voile noire au vaisseau qui le ramène en Grèce, cette « fatale » voile noire qui, trompant son père affligé, l'invite à se précipiter dans la

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