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Page:NRF 13.djvu/514

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sions internes dont on ne meurt qu’après des années. On peut se demander s’il n’est pas secrètement et irréparablement atteint.

Plus on y réfléchit, plus il apparaît naturel et normal qu’une aussi effroyable épreuve que celle que nous venons de traverser ait consommé plus d’une doctrine, et peut-être successivement les deux qui semblaient s’opposer, entre lesquelles on pouvait croire que se jouait la partie : le libéralisme après le despotisme.

Peut-être l’acmé de la liberté dans le monde vient-elle d’être dépassée. Au moment même où nous autres Français pensons, par notre effort, y avoir porté l’humanité tout entière, peut-être au contraire celle-ci commence-t-elle de redescendre la pente et s’avance-t-elle vers un nouvel idéal (car elle en change). Peut-être les hommes commencent-ils à trouver meilleur d’être moins libres. Pour offrir aux dures conditions que leur fait la vie un front plus résistant, peut-être ont-ils besoin avant tout aujourd’hui de se coaliser et pour cela d’offrir à la société en holocauste leurs droits les plus essentiels et cette indépendance individuelle dont ç’aura été la gloire de la France dans le passé de les avoir dotés. La liberté n’aura peut-être été qu’une phase dans l’évolution de l’humanité. De même que l’existence humaine semble bien avoir revêtu d’abord la forme collective, de même il est possible qu’elle tende maintenant à la reprendre. Peut-être entrons-nous aujourd’hui dans un âge collectiviste.

Mais ce sont là de grandes hypothèses auquel il ne serait pas français de donner trop de crédit. Je m’en voudrais