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626 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

fait dans ma vie toujours s'est décidé au-dessus de moi... Tout s'use et s'efîace en des jours trop faciles : il est bien que sur un bonheur qui décline passe l'ombre de ce qu'il a coûté. » Et celle-ci, plus largement intelligible encore et que Nietzsche aurait aimée : « Je me reproche d'avoir ignoré que la forme la plus haute et la plus Hbre du renoncement n'est pas celle qui naît du malheur, et qu'en se réfugiant ainsi dans un ciel mystique souvent on vit au lieu d'une histoire divine une histoire, hélas ! trop humaine ». En cette dernière phrase me semble se condenser l'enseignement qui se dégage de Laure et peut-être de toute l'œuvre de Clermont. Qu'il y ait pour l'âme une façon imprudente, une façon périlleuse d'entrer en communication avec l'infini, qu'il y ait en somme des tentations spirituelles, voilà bien ce que Clermont n'a cessé de reconnaître avec une netteté grandissante. Seule- ment on se tromperait en interprétant cette découverte progressive comme la pure et simple éUmination du « mal romantique » par un esprit en croissance ; nous ne sommes pas en présence de la réédition d'une histoire connue, et une crise semblable ne saurait se résoudre par l'acceptation résignée ou cynique du « purement humeiin », mais au con- traire par une a conversion absolue » de l'âme trouvant dans la charité l'expression la plus adéquate de l'infini. Il faut voir dans la hantise de la sainteté qui, de plus en plus, le posséda, non point un legs héréditaire de ses aïeux cathohques, une survivance, mais le couronnement de toute une graduelle évolution d'âme; les admirables lettres de guerre dont Mlle Clermont cite des fragments trop rares à mon gré, donnent à penser que, dans la nuit des tran- chées, il vit luire l'aube espérée. Comme le chant de pro- messe qui triomphe des fracas guerriers de la Messe en ré, on dirait que du fond de la plus grande misère et du cœur même du péril monte pour lui la mélodie pacificatrice. La mort continuellement coudoyée n'éveille plus en lui l'angoisse

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