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LE PÈRE HUMILIÉ 683

ORIAN. — Ouvrez les yeux, Pensée, et voyez toutes ces choses.

PENSÉE. — Je suis aveugle.

ORIAN. — Une seconde seulement, je vous en prie I

Quel dommage que vous ne puissiez pas ouvrir les yeux une seconde et voir ce que c'est qu'une fabrique de phosphore par exemple, ou un buffet de gare,

Un monde tout entier consacré à la production de l'utile. Un jour, l'heureuse Rome aussi se réjouira de ses docks et de ses usines. Oui, c'est un glorieux temps que celui-ci.

PENSÉE. — Où je suis il n'y a point de temps.

ORIAN. — Bientôt, le temps existera pour vous quand vous m'attendrez et que je ne reviendrai pas.

PENSÉE. — Maintenant, vous êtes là, et c'est tout ce que je sais.

ORIAN. — Vous êtes là vous-même, laissez-moi prendre toute la mesure de votre présence! Ah! vous n'êtes que trop réelle !

Cher compagnon, c'est bon de vous entendre parler et de penser que vous êtes là et votre voix est pour moi comme de la musique.

Je suis tellement jaloux ! Vous savez que c'est par moi que vous êtes aveugle et c'est moi qui monte la garde à la porte de chacun de vos sens.

Et s'il y a une manière d'être à moi que je ne veux pas vous demander, c'est parce que je ne veux pas renoncer à toutes les autres.

Si je n'étais là pour vous le dire, si mystérieusement ! vous ne sauriez pas que vous êtes belle.

Et si vous n'étiez là, ma chérie, je ne saurais ce que c'est

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