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LA SYMPHONIE PASTORALE 747

28 févr.

Je reviens en arrière ; car hier je m'étais laissé entraîner.

Pour l'enseigner à Gertrude j'avais dû apprendre moi- même l'alphabet des aveugles ; mais bientôt elle devint beaucoup plus habile que moi à lire cette écriture où j'avais assez de peine à me reconnaître, et qu'au surplus, je suivais plus volontiers avec les yeux qu'avec les mains. Du reste, je ne fus point le seul à l'instruire. Et d'abord je fus heureux d'être secondé dans ce soin, car j'ai fort à faire sur la commune, dont les maisons sont dispersées à l'excès de sorte que mes visites de pauvres et de ma- lades m'obhgent à des courses parfois assez lointaines. Jacques avait trouvé le moyen de se casser le bras en patinant pendant les vacances de Noël qu'il était venu passer près de nous — car entre temps il était retourné à Lausanne où il avait fait déjà ses premières études, et était entré à la faculté de théologie. La fracture ne présentait aucune gravité et Martins que j'avais aussitôt appelé put aisément la réduire sans l'aide d'un chirurgien; mais les précautions qu'il fallut prendre obligèrent Jacques à garder la maison quelque temps. Il commença brusque- ment de s'intéresser à Gertrude, que jusqu'alors il n'avait point considérée, et s'occupa de m' aider à lui apprendre à lire. Sa collaboration ne dura que le temps de sa con- valescence, trois semaines environ, mais durant lesquelles Gertrude fit de sensibles progrès. Un zèle extraordinaire la stimulait à présent. Cette intelligence hier encore engourdie, il semblait que, dès les premiers pas et presque avant de savoir marcher, elle se mettait à courir. J'ad- mire le peu de difficulté qu'elle trouvait à formuler ses

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