758 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Et je la quittais d'autant plus volontiers que la chapelle ne me paraissait guère un lieu décent pour m'y enfermer seul avec elle, autant par respect pour le saint lieu, que par crainte des racontars — encore qu'à l'ordinaire je m'efforce de n'en point tenir compte ; mais il s'agit ici d'elle et non plus seulement de moi. Lorsqu'une tournée de visites m'appelait de ce côté, je l'emmenais jusqu'à l'église et l'abandonnais donc, durant de longues heures souvent, puis allais la reprendre au retour. Elle s'occupait ainsi, patiemment, à découvrir des harmonies et je la retrouvais vers le soir, attentive, devant quelque conson- nance qui la plongeait dans un ravissement prolongé.
Un des premiers jours d'août, il y a à peine un peu plus de six mois de cela, n'ayant point trouvé chez elle une pauvre veuve à qui j'allais porter quelque consolation, je revins pour prendre Gertrude à l'église où je l'avais laissée ; elle ne m'attendait point si tôt et je fus extrême- ment surpris de trouver Jacques auprès d'elle. Ni l'un ni l'autre ne m'avait entendu entrer, car le peu de bruit que je fis fut couvert par les sons de l'orgue. Il n'est point dans mon naturel d'épier, mais tout ce qui touche à Ger- trude me tient à cœur : amortissant donc le bruit de mes pas, je gravis furtivement les quelques marches de l'esca- lier qui mène à la tribune ; excellent poste d'observation. Je dois dire que,^|out le temps que je demeurai là, je n'entendis pas une parole que l'un et l'autre n'eussent aussi bien dite devant moi. Mais il était contre elle et, à plusieurs reprises, je le vis qui prenait sa main pour guider ses doigts sur les touches. N'était-il pas étrange déjà qu'elle acceptât de lui des observations et une direc- tion dont elle m'avait dit précédemment qu'elle préférait
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