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770 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— Vous m'avez dit qu'elles étaient chaque jour un peu différentes...

— A quoi les comparerai- je aujourd'hui ? A la soif d'un plein jour d'été. Avant ce soir elles auront achevé de se dissoudre dans l'air.

— Je voudrais que vous me disiez s'il y a des lys dans la grande prairie devant nous.

— Non, Gertrude ; les lys ne croissent pas sur ces hauteurs ; ou seulement quelques espèces rares.

— Pas ceux que l'on appelle les lys des champs.

— Il n'y a pas de lys dans les champs.

— Même pas dans les champs des environs de Neu- châtel.

— Il n'y a pas de lys des champs.

— Alors pourquoi le Seigneur nous dit-il : « Regardez les lys des champs » ?

— Il y en avait sans doute de son temps, pour qu'il le dise ; mais les cultures des hommes les ont fait dispa- raître.

— Je me rappelle que vous m'avez dit souvent que le plus grand besoin de cette terre est de confiance et d'amour. Ne pensez- vous pas qu'avec un peu plus de confiance l'homme recommencerait de les voir ? Moi, quand j'écoute cette parole, je vous assure que je les vois. Je vais vous les décrire, voulez-vous ? — On dirait des cloches de flamme, de grandes cloches d'azur emplies du parfum de l'amour et que balance le vent du soir. Pourquoi me dites-vous qu'il n'y en a pas ? là devant nous. Je les sens ! J'en vois la prairie tout emplie.

— Ils ne sont pas plus beaux que tu les vois, ma Ger- trude.

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