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796 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

active, batailleuse, mais elle n'a pas besoin de glaive pour frapper.

L'Italie est en feu, les partis la déchirent, Rome se bat contre Florence et Sienne contre Sienne ; l'empereur et le roi de France s'en mêlent ; le condottiere anglais Hawkwood passe d'un camp à l'autre avec ses gens ; le pape s'accroche à Avignon parmi sa cour décomposée; rentré dans ses Etats, ce sera bientôt le grand schisme ; l'Eglise est divisée et les fidèles parlent de « se croiser ». Mais Catherine, la seule Catherine veut la paix. Que ne fera pas la Siennoise ! Elle sait que « jamais Dieu ne nous impose de fardeaux plus lourds que nous ne pouvons les porter. » Dans cette conviction tout est possible à l'homme. Elle sera partout, elle sera à tous, aux particuliers, aux Etats, à ses parents, à ses disciples, à l'Eglise. Pour elle rien de trop grand et rien de trop petit, rien de trop élevé et rien de trop vulgaire, lavant la nuit le linge de ses frères, le jour apaisant les querelles entre ses cousins, ici dépistant un complot et là dissipant un scrupule, pansant, baisant d'horribles plaies, traitant avec les hommes d'armes et rappelant au devoir les prélats — et tout cela dans le jeûne et l'extase, dans la souffrance et le mépris de soi.

« Ah ! s'écrie-t-elle, perdons nos dents de lait, ayons à la place les dents solides de la haine et de l'amour. Revêtons- nous de la cuirasse de la Charité et du bouclier de la très sainte foi et courons comme des hommes sur le champ de bataille ; soyons fermes, avec une croix devant et une croix derrière afin qu'il nous soit impossible de fuir... » Pour aller au ciel il n'y a pas d'autre voie que celle-ci : « se perdre soi-même», «chercher l'honneur de Dieu, le salut des âmes, la paix des Etats ». « Et moi, misérable femme, je ne suis pas sur terre pour autre chose. » De quel accent elle entraîne les siens au combat ! « Que Dieu fasse de nous des mangeurs d'âmes. » Elle va aux grands, elle va au Pape ; après l'avoir

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