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^8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pas vide avant la nuit. Le poisson risque de crever. Il faut

refermer l'écluse et remettre nos recherches au lendemain.

Le soir, la mère Rongeard vient pleurer à la Mattraie.

— Ah! mon Dieu, quel malheur! Si c'est permis! J'ai toujours dit qu'il ne nous donnerait que du chagrin. Il n'a seulement pas été élevé. Ça se voit tout de suite. Voilà ce que c'est que de l'avoir confié à sa tante...

On essaie, par de bonnes paroles, d'arrêter ce torrent. Elle finit par s'en aller, pleurant toujours.

Comme le lendemain est dimanche de Pentecôte, les recherches dans l'étang ont vite fait d'attirer garde, jar- diniers, garçons d'écurie. En traversant la cour de la ferme, je trouve Julien assis sur une chaise, devant la porte. Il a sa belle chemise bleue du dimanche. Il semble parfaite- ment indifférent.

— Ecoute, Julien, lui dis-je. Réfléchis encore une fois. Ne nous fais pas vider l'étang pour rien. L'eau est froide ; on va probablement être obligé d'y entrer. Un homme pourrait encore y attraper du mal. Si le porte-monnaie n'y est pas, il est encore temps de le dire.

— M'sieur Jacques, c'est comme je l'ai dit.

A l'étang, les opérations sont plus avancées que je ne le croyais. Il y a deux ans, lors d'un curage, on a par endroits retiré trop de vase ; l'eau est à l'étiage et il en reste, au miHeu, près d'un mètre cinquante. Un garçon de ferme vient d'y entrer. Tant qu'il n'en a que jusqu'aux genoux, cela va bien ; il tâte la vase avec les mains. Mais dès qu'il veut s'enfoncer jusqu'à la ceinture, le froid le saisit. Au bout de quelques vaines tentatives, il faut qu'il ressorte. Un autre essaie à son tour, sans meilleur résultat.

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