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97^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

SOUS le préau, les herbages apprivoisés d'Upper Tooting, les omnibus de banlieue, les parcs ineptes comme un pot de fleurs sur le balcon, et, derrière l'Opéra, l'odeur des travaux agricoles, sous la colonnade, parmi le marché qui parfimie l'art de Beecham d'une odeur de chou...

Derrière moi, j'entends des gens s'amuser. Parmi ceux-ci, n'y en a-t-il pas un qui veuille déserter son divertissement, pour suivre ce signe dont la lecture me semble imposée ce matin ? qui veuille partir aussi ? ou au moins, regretter avec moi de ne pas partir ? ou me consoler de la création, anonyme farce ? Peut-être une annonce dans les journaux?

Je me retourne : c'est une femme en tunique orange nouée d'ime corde d'or ; bras nus, hâlés, très longs. Des bracelets tatoués. C'est Aurore. Je la reconnais pour l'avoir vue danser sous ces pluies de théâtre de verdure, un soir de printemps, à Bagatelle. Et puis il y a les couvertures illustrées du Tatler : « Aurore nourrit ses pumas », « Nous marchons mal, comment Aurore pose le pied ». A l'index, hélas, un diamant noir, de Burlington Arcade.

Malgré cela, elle plaît. Elle parle simplement, comme habituée à ménager son souffle, à mots comptés. La voici au centre d'un cercle d'hommes jeunes : elle a leur taiUe, leurs, hanches étroites, leurs cheveux courts, leur tête petite ; ses yeux sont au niveau des leurs.

Elle-même dirait :

— « Les femmes sont des odalisques aux jambes trop courtes ; quand elles affrontent un honune, leurs yeux se trouvent à la hauteur de ses lèvres, il pose ses regards dans leur corsage, est-ce sérieux ? »

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