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Page:NRF 14.djvu/12

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6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qu'on pourrait appeler son " avènement ". De son vivant, son nom demeura à peu près inconnu, et son œuvre, tout en exerçant une influence certaine, mais secrète, fut ignorée ou méconnue de la plupart des critiques, et fut, pour ainsi dire, mise en quarantaine, non seulement par les " officiels " d'alors mais par tous les groupes impor- tants entre lesquels se partageait le monde intellectuel anglais pendant la période 1860- 1900. Ce fut une conspiration du silence, et quand, de loin en loin, quelqu'un des pontifes ou des acolytes daignait le nommer, c'était pour le ridiculiser ou pour dire qu'il " ne comptait pas ". Malgré le succès de son premier livre (précisément Erewho7i\ les grandes maisons d'édition étaient toujours prêtes à refuser ses manuscrits, et tous ses livres, — sauf le dernier paru de son vivant, — furent imprimes et publiés à ses frais. Lui-même s'est amusé à dresser, en 1 899, le bilan financier de sa carrière littéraire : elle lui avait coûté exactement: 19.497 francs et 65 cen- times. Ce ne fut qu'en 1901, quinze mois avant sa mort, qu'il eut la surprise de se voir rechercher par un éditeur. Or, cet éditeur, — M. Grant Richards ' — était un homme jeune, et très décidé à ne publier que des livres de jeunes, ou d'écrivains considérés comme des maîtres par les jeunes. Il savait bien que Butler avait 65 ans, mais il n'en fut pas moins tout heureux d'inscrire sur son catalogue son nom et les titres d'Erewhon et de Nouveaux Voyages à Ereivhon. Ainsi, à un âge où la plupart des écrivains commencent à voir leur œuvre dans le recul du passé, soit qu'elle ait sombré dans l'oubli, soit qu'elle

' L'éditeur actuel des œuvres de S. Butler est A. C. Fificld, 13, Clifford's Inn, Londres E. C.

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