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148 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ses plaisirs ceux que goûte l'ouvrier lorsqu'il a empoché sa paye, le Samedi. Cet idéal n'a pas été atteint. Sans doute cinémas et cafés-concerts regorgent, mais une foule dense emplit également les salles de concert. Elle s'y entasse, s'y presse, plus avide de musique que soucieuse de confort et ce n'est pas aux fauteuils d'orchestre que se manifeste toujours le goût le plus éclairé.

A dire vrai, il ne faut pas raffiner. On a été trop longtemps sevré de musique ; on s'abreuve, on se gorge de tout ce qu'on vous sert. Les préférences semblent aller aux œuvres monumen- tales érigées par le Romantisme en France et en Allemagne mais on ne témoigne pas d'hostilité déclarée envers les tenta- tives novatrices. Debussy, Ravel sont fêtés et l'on écoute avec une attention plutôt sympathique les manifestations révolu- tionnaires de la nouvelle école. En constatant le calme avec lequel étaient accueillis les curieux Films de guerre de Casellaau^ Concert Colonne, je ne pouvais m'empêcher de songer aux hurlements frénétiques qui, à Rome, faisaient habituellement retentir la salle de VAugusteo lorsque, courageux et tenace, Bernardino Molinari dirigeait l'exécution d'une œuvre nou- velle de Malipiero ou de Casella. Evidemment le goût a évolué en France, l'oreille s'est faite au nouveau style harmo- nique et le ^acre du Printemps se donnerait aujourd'hui sans provoquer de pugilats, ni même de sérieuses protestations.

Alors qu'en Italie ou en Allemagne, le public s'insurge contre tout ce qui vient troubler sa quiétude et déranger ses habitudes auditives, on témoigne à Paris d'une curiosité instinctive pour ce qui semble nouveau. Les jeunes compositeurs, les " nouveaux jeunes " (ainsi que les a baptisés Erik Satie), qui préfèrent à la rhétorique usée du Conservatoire et de la ^chola Cantorum le " style moderne " dont les œuvres de Debussy, Ravel et sur- tout Strawinsky leur fournissent le vocabulaire et les tours de phrases, profitent de cet état d'esprit et l'on ne saurait trop s'en féliciter. A dire vrai, c'est le plus souvent pour ce qui

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