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toiture résonnait au choc de l’eau ; puis nous avons quitté la gare de Matadi et durant deux heures ce fut la monotone brousse plate sous la masse d’eau, une pluie couleur de plomb et qui tombait si raide et si vite que je la voyais immobile quand je portais les yeux droit devant moi à quelques mètres ; elle formait ainsi le côté d’un bloc posé d’aplomb sur la broussaille égale, un bloc dont le train longeait sans arrêt le côté bien vertical qui murait la vue. La portière de mon wagon n’avait pas de vitre à relever ; tout contre le vide de l’étroite fenêtre et jusqu’à l’immobilité la pluie vibrait. Ses vibrations étaient de longues rayures froides et blanches, en diagonales. Souvent un crépitement me faisait baisser lentement la tête vers le fourré en bordure de la voie. Je savais bien que c’était le bruit de l’eau sur les feuilles, mais c’était plus fort que moi, une sorte d’insignifiant mouvement nerveux, pour faire quelque chose !.. Alors je regardais aussi par-dessus le fourré la broussaille qui commençait là. De ci, de là, de cette broussaille sortait une légère buée : la brousse fumait ; je voyais une vapeur blanche fuser lentement entre les branches courtes, horizontales et noires. Comme sous le chimbeck de Ferrier je sentais mon visage ouaté par de brusques et brèves bouffées de chaleur molle ; une bouffée une fois abattue, aussitôt j’éprouvais durant une seconde aux pommettes et aux joues une sensation lisse.

Ainsi, depuis Matadi et durant deux heures, notre train roula sous la pluie au centre de cette brousse enclose et qu’aujourd’hui je revoyais. Mais cette fois le ciel faisait le vide et son immensité se mesurait à la platitude de la brousse noire nettement visible jusqu’à l’horizon. Ce fut quelques minutes après avoir passé la petite gare d’une