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Page:NRF 14.djvu/303

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NOTES 297

neuf. Déjà Pasteur avait bousculé plus d'un préjugé ; mais cette " vie d'un saint " avait un caractère si particulier, divers épisodes étaient si sommaires, que, tout en percevant un accent nouveau, simple et cordial, on restait perplexe, un peu inquiet d'être mystifié. Avec Mon père wvait raison, Sacha Guitry se donne l'air de reprendre tout bonnement son ancienne veine, mais dès les premières scènes on est fixé. Je ne veux pas du tout dire que l'auteur ait renié son passé, que la guerre ait fait de lui un homme nouveau ; bien des traits de sa comédie auraient pu trouver place, tout aussi bien, dans une de ses œuvres antérieures. Mais dès le début, cette conversation entre un vieux père égoïste et un fils plein d'illusions (conver- sation où n'abondent pas seulement les observations justes ou spirituelles — ce qui ne serait pas nouveau chez Sacha Guitry — mais qu'on sent déjà travaillée, aérée par le levain des problèmes familiaux), dès le début, dis- je, ce dialogue nous aiguille vers un ordre de préoccupations dont nos grands théâtres n'ont pas coutume de se soucier. La pièce abonde en gentillesses qui en font le succès ; mais le sujet même, l'im- possibilité de faire passer d'une génération à l'autre l'expé- rience acquise, l'éternel recommencement, l'éternelle balance qui fait que les fils réagissent contre ce qu'ont désiré leurs pères, ces grands lieux communs dont sont nourries les œuvres des maîtres, et cette mélancolie du vieillissement, du temps qui fuit, voilà bien ce qui nous attache et qui nous émeut dans cette pièce.

Comme un poussin qui garde sur son dos quelques fragments de sa coquille, l'œuvre n'est pas encore entièrement dégagée des formes et des agréments où l'auteur s'est longtemps complu. Autant sont bien venues les figures d'hommes, incar- nées d'une manière si ingénieuse et si juste par Lucien Guitry et son fils, autant les physionomies de femmes paraissent, à côté d'elles, inconsistantes. Passe pour ce personnage de l'épouse qui a planté là son mari et qui, après vingt ans d'absence, vient redemander par téléphone sa place au foyer. Tant d'inconscience et de sottise outrent un peu le rôle, mais en font une silhouette satirique qui ne manque pas d'accent.

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