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312 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

obstiné de fandango, des groupes évoluent qui semblent échappés aux pages d'un album de Goya. Des chants, des danses et au miliou de tout cela une querelle à laquelle personne ne comprend rien. La collaboration de Granados et de Zuloaga nous a donné encore cette fois un tableau d'une couleur magnifique, avec des clairs-obscurs étonnants, des rais lumineux striant l'ombre épaisse où circule tout un monde grouillant dont la musique semble rythmer la respiration.

J'ai enfin retrouvé à l'Opéra mes anciennes impressions du Théâtre des Arts et lorsqu'on sait avec quelle difficulté les masses d'artistes fonctionnaires consentent à se départir des traditions et des routines qu'elles considèrent comme d'intan- gibles privilèges, on se sent pris d'admiration pour l'homme qui a obtenu un pareil résultat. Evidemment nous sommes encore loin des choristes russes qui nous révélèrent il y a quelque dix ans Boris Godouncnv, mais nous sommes déjà très loin des choristes français qui naguère à l'Opéra, rangés sur deux files, les bras ballants, figuraient dans les Huguenots ou Lohengrin.

Malgré un décor de Maxime Dethomas superbe de lignes et de proportions, le troisième acte a été pour moi et pour le public en général, une déception. On pouvait jusque-là négliger l'intrigue puisqu'elle se perd dans les remous d'une foule agitée et bruyante, on ne le peut plus maintenant que l'action se concentre entre les deux amants. Il nous faut assister au départ précipité de Fernando pour le rendez-vous fatal, il nous faut contempler son interminable agonie sur le banc de pierre où il revient mourir dans les bras de sa bien- aimée. Toute cette action est banale, déplaisante et gâte le lyrisme voluptueux et mélancolique de la musique. Et puis cette scène dont j'aime au piano la tendre langueur ne gagne pas à être traduite en sonorités orchestrales. La belle phraise initiale répétée par des instruments trop expressifs prend une allure puccinienne et la réponse du rossignol exécutée par la flûte devient un chant dont le réahsme imitatif me choque. C'était une belle eau-forte, on en a fait un chromo.

Malgré ces inconvénients, les Goyescas constituent dans

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