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322 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sique, qui signifiait la faculté d'organiser les hommes ainsi que les idées. Qui donc avant l'époque contempo- raine, aurait prêté à l'Allemand un génie organisateur?

Si l'incapacité d'agir en commun n'est pas un défaut français, il faut que celle dont nous souffrons actuelle- ment ait d'autres causes. Je préfère cela, car je répugne à croire qu'une telle infériorité soit naturelle au peuple de France. La pensée elle aussi est action, et je craindrais que ce peuple ne perdît bientôt la faculté de concevoir, s'il était vraiment impuissant à créer. Mais la pensée est individuelle, l'action presque toujours collective. La cause de la stérilité qui nous frappe tient peut-être à cela.

L'action est dirigée par l'esprit, l'action collective par la volonté collective : nous demeurerons incapables d'agir d'accord, tant que les principes de la collaboration morale et intellectuelle n'auront pas été définis et mis en pra- tique. Car nous n'acceptons pas la simple contrainte. Le problème qui se pose est un problème d'organisation, c'est-à-dire de libre discipline. En un temps où la ques- tion de l'organisation du travail est à l'ordre du jour, il faut que celle du travail intellectuel soit, non moins dili- gemment, mise à l'étude.

I

Nul phénomène social n'a été dénoncé avec plus d'âpreté que l'anarchie morale dont nous nous sentons atteints. A croire les philosophes conservateurs, nous subirions par là la peine attachée à l'abandon d'une tradition éprouvée. Cette doctrine ne nous instruit guère. La ques- tion est de savoir pourquoi, les conditions de l'ordre

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