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d'une organisation du travail intellectuel 327

jamais de paraître tyrannique. Chacun se contente de soi et dédaigne d'imposer une règle à d'autres. S'imposer soi-même à l'attention publique, cela suffit.

Ce désordre engendre les pires conditions morales de travail. Si instruits que les gens soient, ils font sou- vent paraître une puérilité singulière. A les observer un peu on découvre bientôt que leur œuvre les intéresse infiniment moins qu'un succès flatteur à leur vanité. Ils cultivent ce maigre sentiment en servant celle du voisin qui, à son tour, les peut servir. Ils se sentent justifiés par le consentement général des mœurs, ou- bliant que les mœurs sont l'exacte peinture du vulgaire-

Cependant personne n'ignore la valeur des récom- penses. La convenance y donne plus de titre que le mérite. L'intrigue en est la condition. Qui veut parvenir, doit perdre plus de temps en vains hommages qu'il n'en réserve à sa tâche. Pourtant celle-ci seule est utile à la société et à lui-même.

Tout l'effort est tendu vers le succès individuel. C'est une loi à laquelle nul n'échappe. Après avoir fait quelques tentatives manquées pour instituer l'ordre autour de soi, on se résigne à tolérer le pêle-mêle des gens et des choses. On limite la précision, l'exactitude et la discipline à son propre domaine spirituel. On se soumet à la terrible domination des usages qui contraignent chacun à ne prendre souci que de soi.

L'intelligence se sent privée d'écho. Elle est partout repoussée par l'ambition commune, l'oisiveté et la sottise. Elle est chassée des lieux publics d'étude par le bavar- dage. Nos bibliothèques lui sont inaccessibles. On n'y peut accomplir que des tâches subalternes. Elles appar-

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