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330 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

bon ou mauvais, résoudre enfin, en toute chose, n'existe pas chez nous. Un Français ne s'engage qu'en qualité de propriétaire, non pas en celle de citoyen.

Nous ne sommes pas dirigés. Ni la France ne l'est comme nation, ni les Français comme membres de groupes sociaux plus restreints.

L'homme qui mène ses affaires agit pour lui seul. Sa carrière est petite. Du moins peut-il s'y mouvoir. Le succès qu'il poursuit est surtout individuel. Comme il commande dans son intérêt exclusif, il sait se faire obéir. Car ses subalternes sont ses inférieurs.

Mais les affaires aussi se socialisent. Elles seraient paralysées si l'intérêt personnel ne restait pas ici prédo- minant. Car, dès que nous nous sentons égaux, nous nous cantonnons. Nous avons un avis et n'en voulons démordre. En politique, nous partageons l'avis de notre parti, et nous y tenons d'autant plus que nous le croyons personnel. Au lieu que les forces s'ajoutent, elles se neutralisent. Nous demeurons indécis.

Cette indécision nous cause à tous un sourd malaise. Elle nous condamne à une sorte d'oisiveté forcée, qui est la chose du monde la plus gênante et la plus irri- tante. Nous nous sentons incapables de réussir ; nous répugnons à un effort que nous sentons infructueux.

En vain les idées utiles se font jour. En vain sont- elles sanctionnées par le consentement général. Nous nous perdons en discussions. La discussion est pour nous une fonction si naturelle que nous la renouvelons sur le détail, quand nous sommes d'accord sur le fonds. Au moment de la clore, nous nous dérobons. Lorsque deux Français se trouvent ensemble, la politesse com-

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