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410 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de Balzac, celui que je préfère ; c'est en tout cas celui que j'ai le plus souvent relu. Mais, ce jour là, je le découvrais. J'étais dans le ravissement, dans l'extase, ivre, perdu...

La tombée de la nuit interrompit enfin ma lecture. Je pestai contre le wagon qui n'était pas éclairé ; puis m'a- visai qu'il était en panne; les employés qui le croyaient vide l'avaient remisé sur une voie de garage.

— Vous ne saviez donc pas qu'il fallait changer? di- rent-ils. On a pourtant assez appelé ! Mais vous dormiez sans doute. Vous n'avez qu'à recommencer, car il ne passe plus de train d'ici demain.

Passer la nuit dans cet obscur wagon n'avait rien d'enchanteur ; et puis je n'avais pas dîné. La gare était loin du village et l'auberge m'attirait moins que l'aven- ture ; au surplus je n'avais sur moi que quelques sous. Je partis sur la route, au hasard, et frappai à la porte d'un mas assez grand, d'aspect propre et avenant. Une femme m'ouvrit, à qui je racontai que je m'étais perdu, que d'être sans argent ne m'empêchait pas d'avoir faim et que peut-être on serait assez bon pour me donner à manger et à boire, après quoije regagnerais mon wagon remisé où je patienterais jusqu'au lendemain.

Cette femme qui m'avait ouvert ajouta vite un couvert à la table déjà servie. Son mari n'était point là; son vieux père, assis au coin du feu, car la pièce servait également de cuisine, était resté jusque là penché vers l'âtre sans rien, dire et son silence, qui me paraissait réprobateur, me gênait. Soudain, je remarquai sur une sorte d'étagère une grosse Bible, et, comprenant que j'étais chez des pro- testants, leur dis qui je venais d'aller voir. Le vieux se re-

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