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422 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rivière et, plus loin, où lavaient les laveuses, le claque- ment rythmé de leurs battoirs.

Mais le plus souvent, brûlant la Fon di hiaou, je gagnais en courant la garrigue, vers où m'entraînait déjà cet étrange amour de l'inhumain, de l'aride, qui si long- temps me fit préférer à l'oasis le désert. Les grands souffles secs, embaumés, l'aveuglante réverbération du soleil sur la pierre nue sont enivrants comme le vin. Et combien m'amusait l'escalade des roches, la chasse aux mantes religieuses, qu'on appelle là-bas des préga DioUy dont les paquets d'œufs, conglutinés et pendus à quelque brindille m'intriguaient si fort; la découverte, sous les cailloux que je soulevais, des hideux scorpions, mille-pattes et scolopendres !

Les jours de pluie, confiné dans l'appartement, je faisais la chasse aux moustiques ou démontais complè- tement toutes les pendules de grand'mère, qui s'étaient détraquées depuis notre dernier séjour. Rien ne m'ab- sorbait plus que ce minutieux travail. Combien j'étais fier, après que je les avais remises en mouvement, d'en- tendre grand'mère s'écrier, en revoyant l'heure :

— Eh! dites-moi, Juliette! ce petit...

Mais le meilleur du temps de pluie je le passais dans le grenier dont Rose me prêtait la clef. C'est là qu'un peu plus tard je lus Stella. De la fenêtre du grenier on dominait les toits voisins ; près de la fenêtre, dans une grande cage en bois, recouverte d'un sac, grand'mère engraissait des poulets pour la table. Les poulets ne m'intéressaient pas beaucoup, mais, dès qu'on restait un peu tranquille, on voyait paraître entre l'encombrement de malles, d'objets sans nom et hors d'usage, d'un tas

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