Page:NRF 14.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 435

xat homérique, et qui ne paraît guère chez nous, je crois, avant André Chénier ; Flaubert, qui ne tient pas à employer les formes surannées de l'épopée, ne s'en sert presque jamais. Mais, d'une façon générale, ^/commence chez lui un membre de phrase qui ajoute, dans un mouvement d'apparence oratoire, quelque chose de décisif, un accroissement, un couronnement. Plus précisément le et est une pièce constante, un peu monotone, de la phrase-type de Flaubert, la phrase parfaite de «gueuloir». 11 s'agit de la phrase à trois propositions de longueur variable, mais toujours équilibrées par le nombre. « Cependant, sur l'immensité de cet avenir qu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours tous magnifiques se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l'horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. » Certes toutes ces phrases de Flaubert sont de tour bien ori- ginal ; mais c'est, dans sa construction générale, la vieille phrase oratoire française, dont Balzac a transmis le type à Bossuet, et que Flaubert rajeunit pour le plaisir de ces « universitaires flegma- tiques » auxquels, un jour de mauvaise humeur, le renvoyaient les Concourt.

Le et de mouvement fait partie essentielle de cette période-type. Mais je croîs bien que si on avait la patience de compter ces phrases dans les romans de Flaubert, on en verrait le nombre décroître régulièrement de Madame Bovary à Bouvard. Corrigeant Salammbô il écrit : «Je m'occupe présentement à enlever les et trop fréquents» et il s'agit probablement des et de sa phrase ternaire. Car Flaubert est à la fois hanté par le nombre oratoire et en lutte perpétuelle contre lui pour le contenir, le briser, le couper. C'est la force de ce nombre et l'énergie de cette lutte qui font de lui, avec La Bruyère, le maître certain de la coupe : je crois que nous sommes d'accord là-dessus.

��Je vous ai dit les raisons pour lesquelles je crois beaucoup moins que vous à l'invention grammaticale de Flaubert. Je reste un peu étonné devant des affirmations comme : « Les après tout, les cepen- dant, les du moins sont toujours placés ailleurs qu'où ils l'eussent été par quelqu'un d'autre que Flaubert.» Je ne puis pas relire tout

�� �