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538 I^A NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

(Ordinaire est mis là, sans doute, pour '^vulgaires" ou ' 'grossiers".) Le poète est un délicat. Il ne respire à l'aise que «sous le ciel de Tristan». Il lui faut le grand (i) plaisir pensif et la volupté pure. Il a l'Amour triste par système et pénible par tempérament. Mêrrre il ne con- çoit pas l'amour et la vie sans une pointe de scélératesse.

L'attitude du goût che^ le vrai dilettante

Et V aristocratie suprême de pensée,

C'est ceci : « Bien sentir que le crime vous tente,

youloir la vie terrible, étrange, opiacée.

Mais se sentir atteint, mortellement, d'avance,

Par le dégoût. Vouloir la possibilité

Totale, puis plus rien... rien... qu'un dédain immense!

Tout rêver, mais surtout ne pas réaliser.

En fait d'aristocratie et de dilettantisme, cette délecta- tion morose dans l'intention criminelle qu'on n'aura ni la force ni le courage de réaliser apparaît plutôt comme un comble de lâcheté, d'impuissance et de veulerie intellectuelle et physique. Ce n'est qu'une pose, une «attitude», mais c'est bien là ce qui est attristant. Sacher Masoch intéresse, trouble, émeut parfois, mais le chi- qué du vice n'inspire que du dégoût. On imagine un de ces faux bouges, peuplé de figurants apaches, ou bien encore les cabarets esthétiques du Boulevard de Clichy.

Pourtant, l'auteur de la Chambre blanche, a pris soin*de poser çà et là quelques touches de fraîcheur: maison na- tale, bruyères, primevères (primevères avec lesquelles il

(1) L'adjectif grand, chez l'auteur, n'exprime pas nécessairement l'idée de grandeur, il sert le plus souvent à compléter l'hémistiche qu'une seule épithète collée au substantif ne suffit pas à remplir.

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