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Page:NRF 14.djvu/556

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550 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Cependant, vive et intacte, la mémoire veillait et nous offraitses richesses, commecertainesfemmesdes tableaux vénitiens élèvent des coupes chargées de fleurs et de fruits, je me suis donc vu tout à coup cheminant sur une plage que la mer venait d'abandonner ; et, comme il arrive alors, les puces jaillissant par myriades sous nos pas faisaient croire que la nappe entière du sable se soulevait et retombait dans le grouillement d'une pulsa- tion universelle.

La cause en était précisément cette demande qui venait de s'élever en moi pour y recevoir cet accueil plein de patience et de bonté. Car de tous les côtés la même interrogation naissait, suivie de la même réponse. Et d'autre part la tristesse douce de ce crépuscule dont j'ai déjà parlé étendait en nous et autour de nous les mélancolies mêmes de la marée basse.

C'est alors que j'ai reniarqué Renaut et que j'en ai reçu le sourire. L'instant après nous étions l'un près de l'autre, et une question est venue de lui à moi :

— Serons-nous bientôt arrivés là où nous nous ren- dons?

Mais au même moment ma voix lui répondait :

— Nous ferons la route ensemble, mon ami très cher. Puis, de nouvelles durées se sont élargies. Et quand

je me suis arraché à ma rêverie, les femmes s'étaient réunies entre elles; beaucoup plus nombreux, les hommes s'étaient groupés de ci de là ; leurs bras s'ap- puyaient sur les épaules ou sur les hanches les uns des autres.

Les voix calmes et les yeux souriants ont posé pour la troisième fois la même question :

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