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LE PARADIS DES CONDITIONS HUMAINES 549

bonté pure. J'ai senti cette singulière transmutation s'accomplir doucement en moi. Je restais le même être et doué des mêmes facultés ; mais, par l'effet de la souffrance abolie, elles se distillaient peu à peu de Tordre matériel dans celui de la spiritualité.

C'est alors qu'à mon tour j'ai poussé le soupir qui accompagne la fm de la métamorphose. Des soupirs semblables s'élevaient de toutes parts. La mort, devenue parfaite, nous éveillait l'un après l'autre. Nous sommes sortis de notre méditation comme l'insecte s'échappe de la chrysalide.

Notre premier mouvement a été vers notre passé; mais c'est en vain que nous avons cherché quelque trace du monde où nous avions vécu notre existence de larves. L'infini s'était refermé sur nous.

Avec un second soupir, nous avons ramené notre attention autour de nous ; et c'est à ce moment qu'à travers les espaces sans limites où règne le bonheur de l'impondérable, a commencé le voyage qui nous pousse éternellement les uns vers les autres et nous agglomère en sociétés, nous autres, morts.

Une voix a murmuré en moi : *

— Serons-nousbientôt arrivés là où nous nous rendons ?

Tout aussitôt il lui a été répondu :

— Bientôt, mon ami très cher.

Mais je ne saurais dire si l'une de ces deux voix était la mienne. J'étais entouré de mes semblables ; nos yeux se posaient les uns sur les autres avec une curiosité fixe et lente. L'espace était envahi par une- sorte de cré- puscule uniforme; et, si je me souviens bien, à travers l'étendue rien n'existait hormis nous.

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