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Page:NRF 14.djvu/566

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560 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Mais partout ailleurs quantité de symptômes nous laissaient deviner la fièvre laborieuse de nos semblables ; c'était des masses qui s'élevaient au loin et s'évanouis- saient peu après ; c'étaient des grondements qui se réper- cutaient jusqu'à nous ; et, de temps à autre, frappés de côté par notre lumière, quelques reflets glissant sur les eaux.

C'est ainsi que, rassemblés un jour sur le sommet d'où nous avions ordonné notre territoire, nous regardions au-delà de la steppe, la ligne des falaises dont j'ai déjà parlé. Un brouillard violet marquait l'emplacement où s'étendait la mer ; flottant à mi-hauteur de cet horizon sans consistance, d'imperceptibles voiles parlaient de vent marin, de pêche et de voyages. Plus près de nous, une colonne de poussière marquait la trace d'une cara- vane ; et des édifices laiteux, dont la signification irritait notre curiosité, luisaient d'un faux-jour, à des lieues de distance, sur le flanc d'une montagne.

Une même mélancolie nous a envahis. Nous nous taisions. Mais notre silence avait le poids et le gonfle- ment de la maturité. Près de moi Renaut a murmuré :

— Après tout, ce pays-ci est maintenant le nôtre. Une voix a poursuivi sur le même ton :

— Nous y avons mis notre marque. Ht une troisième :

— Quoiqu'il arrive, il est désormais notre refuge et notre garantie.

— Eh bien alors...

Je pense que c'est moi qui ai prononcé le mot qui vint ensuite :

— Eh bien alors, partons.

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